Naissance d’Usin’Arts chez Seguin Moreau

Rendre fiers les ouvriers de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font dans leur site de production, les amener à se regarder autrement, porter un regard différent sur leur lieu de travail, magnifier les usines, retrouver du lien… Un rêve que je projette depuis 8 ans.  Comment ? par l’art, l’art sous toutes ses formes dans les usines, en y associant les personnes de l’entreprise. Un projet a priori fou mais qui, j’en suis sûre, doit pouvoir résonner dans un monde en recherche de sens, qui cherche à renouer avec le lien social et la confiance. Un projet qui fait de plus en plus écho aux dirigeants que je rencontre et qui ont le désir et l’envie de considérer les hommes et les femmes de leur entreprise comme leur première valeur, où l’économie est au service des hommes et pas l’inverse. 

Il s’agissait pour moi de nommer ce projet : Ce sera Usin’Arts

Il s’agissait de rencontrer celui ou celle qui dirait oui à ce projet. Ce sera Grégoire Chové, DGA de la tonnellerie Seguin Moreau.

Ce projet « fou et innovant » l’a inspiré. Il a dit oui, avec confiance.  La tonnellerie Seguin Moreau s’est transformée le 2 juin en une salle d’exposition. Exposition de Photos d’arts réalisées par Olivier Poggianti, Mapping vidéo sur les « foudres » et la « chauffe », comédienne sur tonneaux récitant des textes revisités sur l’art de la tonnellerie, son et lumière, création sonore issue des sons de l’entreprise, concert sur tonneaux. Et puis barbecue géant organisé par les ouvriers. La soirée fut belle. 

L’ensemble des collaborateurs, accompagnés de leur famille, ont pu regarder et se regarder avec étonnement, admiration, fierté. C’est cela le projet Usin’Arts. 

Pour vous aider à imaginer comment le projet Usin’Arts s’est mis en mouvement avec Seguin Moreau, laissez-moi vous raconter : 

Bien sûr, les premières rencontres avec Grégoire Chové où nous discutons à bâtons rompus de Seguin Moreau, de ce qu’il désire, du « pourquoi » l’art au service des collaborateurs. Nous nous mettons en cohérence entre ce que je projette et ce qu’il projette. 

Puis, je lui présente Olivier Poggianti, un ami d’abord, et surtout un artiste musicien et photographe. Pourquoi lui ? Parce que j’aime son travail et que je connais son implication, son exigence. Bien sûr, je lui avais parlé du projet Usin’Arts et nos discussions sur le sens de ce projet m’ont complètement convaincue de travailler avec lui dès que l’occasion se présenterait. 

Ça y est, on y est, Olivier visite l’usine… toute l’usine et ses recoins. Nous faisons de longues séances « d’inspiration et de créativité » pour répondre à la question : « qu’avons-nous envie de proposer à Seguin Moreau ? Ces séances nous amènent à un fil conducteur que nous proposons à Grégoire. Banco ! On peut y aller 

Olivier s’immerge pendant 6 semaines dans l’entreprise. Son premier rôle: créer du lien avec les collaborateurs. Première surprise, nous n’avions pensé qu’aux ouvriers. Le personnel dans les bureaux, essentiellement des femmes, nous interpellent. Elles veulent être intégrées au projet. Mais bien sûr ! Elles ont raison ! Nous voulons créer du lien, créons-le jusqu’au bout, créons les ponts entre production et support. 

Nous créons un groupe projet composé d’ouvriers et des personnels des bureaux sur la base du volontariat. Ce groupe projet va nous aider à mettre en musique le projet d’exposition, va nous aider à monter l’exposition. Génial. 

Au bout de quelques jours Olivier connait tout le monde, les discussions s’engagent, les gens s’exposent parlent avec Olivier, se racontent. Les réticences tombent, les timidités se font audacieuses, les « clics » de l’appareil photo  se font par petites touches avec grâce et bienveillance. 

Le projet avance, les séances de travail avec le groupe projet se font avec conviction, les personnes discutent du projet et de sa réalisation et du « comment on fait ». 

Le projet avance, nous choisissons nos partenaires, la société Central Dupon, dirigée par Vincent Norroy qui va nous faire les tirages d’arts, Guillaume Martial et son acolyte David Bross pour le mapping vidéo, Mozaik Vidéo de Cognac pour le son et lumière, la vidéaste Karine Guiho et puis la comédienne. enfin, Rachel, la soeur de Julien, un ouvrier musicien qui nous aide à la création de la bande sonore originale. Encore une fois Usin’Arts produit de l’envie et de l’implication 

Les photos sont prêtes, je vois enfin le travail d’Oliver dans son ensemble : séance de travail avec lui  pour décider  des photos à exposer, celles qui seront en formats moyens, celles en grands formats et les bannières. Longue discussion où chacun y va de ses arguments, Olivier prend le temps de me raconter l’histoire de chaque photo, le pourquoi de ses choix, nous trouvons ensemble ce qui nous parait être au final la meilleure exposition en cohérence avec le projet Seguin-Moreau et Usin’Arts.

 

Les photos sont prêtes, je vois enfin le travail d’Oliver dans son ensemble : séance de travail avec lui  pour décider  des photos à exposer, celles qui seront en formats moyens, celles en grands formats et les bannières. Longue discussion où chacun y va de ses arguments, Olivier prend le temps de me raconter l’histoire de chaque photo, le pourquoi de ses choix, nous trouvons ensemble ce qui nous parait être au final la meilleure exposition en cohérence avec le projet Seguin-Moreau et Usin’Arts.

La tension monte, l’exposition approche, Olivier s’est transformé en directeur des opérations, il a tout projeté, anticipé. 300 personnes environ sont attendues, il faut transformer une partie de l’usine en galerie d’art et  scène musicale. Nous arrivons le 1er juin, nous commençons les préparatifs : mettre en place les emplacements photos, solliciter les ouvriers pour organiser le cartonnage des verrières pour mettre l’usine dans la pénombre, cadrer les alimentations, bouger les tonneaux pour créer une scène de concert, reconfigurer la partie des grands contenants pour accueillir le mapping vidéo, créer des espaces avec des tonneaux et des douelles pour organiser le sens de la marche des invités, faire les tests de mapping vidéo, de son… après une courte nuit, nous reprenons la préparation de l’exposition.  Les ouvriers travaillent jusqu’à midi, après, l’usine sera entièrement à nous jusqu’à 19h00, heure d’arrivée des invités.

Le temps s’accélère. Nous faisons des km à travers l’usine pour aller chercher les éléments d’accroche des photos. Nous avons fait le choix de nous servir du mobilier de l’usine : paper-board, râteliers, structure métallique, porte-cercles Nous nous interpellons, nous nous cherchons, nous nous croisons, nous travaillons ensemble, nous nous aidons. Nous devons créer des feuillards, créer des câbles d’alimentation, mettre en place les éclairages photos, finir les tests, ajuster,  et superviser.  Le service maintenance usine pour nous, les Fenwick s’agitent pour déplacer tonneaux et douelles… tout est dans le détail mais l’ambiance est là avec une bonne pression, et pas trop de frayeurs.

18H30, nous avons juste le temps de se faire beaux et belles pour accueillir les invités. Ils sont là, l’exposition démarre…

J’ai le plaisir de guetter et de regarder les réactions des invités : certains rient d’autres sont émus, d’autres encore sont fiers de montrer à leurs enfants leur lieu de travail, d’expliquer, d’autres se grattent la tête en regardant des photos, » c’est mon outil de travail mais je ne le reconnais pas complètement, comment l’artiste s’y est pris ? » Les photos d’1m20 sur alu Dibond impressionnent, elles sont magnifiques…les 3 bannières de 3 mètres de hauteur associées à la création sonore créent une ambiance étrange,  les gens reconnaissent peu à peu les sons de leur usine : oui, c’est dans ces sons qu’ils travaillent, dans cette rythmique, c’est une musique. Le mapping vidéo projeté sur des foudres dans la partie des grands contenants est tour à tour émouvant, fantastique, renversant.

Et puis les réactions en direct qui vont droit au cœur : « c’est magnifique, c’est constructif, bravo, je ne m’étais jamais vu comme cela… » Et puis la parole d’un ouvrier qui représente tout le projet Usin’Arts : « je suis fier de nous »

Certains m’ont demandé s’il existait d’autres projets comme celui-ci en France. A vrai dire je n’en sais rien. Je sais qu’il  existe des expositions et des créations artistiques dans des usines désaffectées. Des artistes ont fait des portraits d’ouvriers exposés dans des galeries d’art mais je n’ai pas entendu parler de cela ailleurs. En tout cas si Usin’Arts est le premier à créer des œuvres pour et avec les ouvriers, à faire qu’une usine devienne un centre culturel le temps d’une exposition, alors j’en suis très fière. 

Et je vais continuer Usin’Arts avec d’autres usines, à m’inspirer de leur ambiance de leur musicalité, de leur beauté, de la beauté des personnes qui y travaillent au quotidien avec un seul objectif : que les gens soient fiers de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font et qu’ils soient touchés au cœur par tout ce que l’art peut leur proposer. 

Remerciements 

A Grégoire Chové pour sa confiance totale, sa générosité, son « grain de folie » et son ouverture d’esprit

A Olivier Poggianti pour son amitié, son engagement, son regard et avec qui je continue l’aventure Usin’Arts passionnément

A l’ensemble des partenaires qui ont travaillé sur ce projet et que j’ai réellement rencontrés le jour J

A Yannis du groupe Al Cantara pour sa bonne humeur, son implication, ses jongleries

Et puis un remerciement tout particulier et chaleureux au groupe projet Seguin Moreau qui a mis plus que la main à la patte dans la réalisation du projet Usin’Arts.

Laissez un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *